Tableau Écho et Narcisse (John William Waterhouse, 1903, Walker Art Gallery, Liverpool).
Dans la mythologie grecque puis romaine, Narcisse est un jeune homme d’une grande beauté qui tombe amoureux de son propre reflet.
Fils du dieu-Fleuve Céphise et d’une nymphe, Liriopé, il est l’un des rares enfants à être, dès sa naissance, aimé des nymphes. Liriopé, consulte le devin Tirésias sur l’avenir de son fils, et lui demande si Narcisse atteindrait un grand âge. Le prophète lui répond qu’il y parviendrait à condition qu’il ne se voie pas.
Au fil des ans, la beauté de Narcisse devient si parfaite et éclatante qu’il est très vite désiré par de nombreuses jeunes filles et de nombreux garçons qu’il méprise et dédaigne, imbu de lui-même. Solitaire, Narcisse ne supporte plus que la présence des ses virils compagnons de chasse et préfère fuir les avances de ces demoiselles, dont il ne comprend pas la fougue amoureuse.
Écho, nymphe des montagnes privée de la capacité de s’exprimer par Héra pour l’avoir, de part son bavardage incessant, empêché de surprendre son époux Zeus en flagrant délit d’infidélité, tombe un jour amoureuse du beau Narcisse alors âgé de 16 ans. Elle le suit partout dans la forêt, mais ne peut lui déclarer son amour. En effet Echo ne peut que répéter les dernières syllabes des mots qu’on lui adresse. Un jour qu’il se trouve seul, il lui semble sentir une présence à ses côtés, il demande « s’il y a quelqu’un ? », ce à quoi Echo répond « si quelqu’un ». Le jeune homme qui dit alors « Viens ici! ». La voix ne fait que répercuter le même ordre. Écho finit par sortir des arbres, les bras tendus vers le jeune homme. Celui-ci la repousse et s’enfuit. Désespérée, Écho se réfugie au fond des bois, où elle dépérit de chagrin jusqu’à ce que bientôt il ne reste d’elle que sa voix. On raconte qu’Echo aurait été changée en rocher. Echo invoque Némésis (la vengeance) et lui demande de punir l’indifférent par un amour qui ne puisse atteindre son objet.
Un jour, alors que Narcisse veut s’abreuver, il tombe amoureux d’un jeune homme qu’il voit dans l’eau et qui n’est autre que son reflet. Il se tient là pétrifié, en extase devant la perfection de ses traits, au point de ne pas se reconnaître et d’appeler en vain ce visage qui ne peut recevoir ses baisers.
Dévoré par cet amour, ne parvenant à obtenir l’amour de cet être qu’il ne sait pas être lui-même, Narcisse sombre peu à peu dans une sorte de folie, et un jour une des ses larmes tombée à l’eau fait fuir son reflet, il décide de se laisser mourir, simplement en s’endormant, aux côtés de l’objet de son amour. (un autre récit dit que Narcisse se pencha tant pour retrouver son visage, qu’il tomba dans la fontaine, se noya et fut changé en fleur qui porte aujourd’hui son nom). À l’emplacement de son corps sort de terre une belle fleur dorée, le narcisse, qui au printemps se reflète dans l’eau. On raconte que, descendu aux enfers, Narcisse continue de chercher l’amour de son reflet dans les eaux du Styx ( fleuve des Enfers) mais les eaux sombres ne reflétaient alors qu’une image trouble et nébuleuse, au grand désespoir de Narcisse.
Mais ce n’était pas de cette manière qu’Oscar Wilde terminait l’histoire. Il disait qu’à la mort de Narcisse les Oréades, divinités des bois, étaient venues au bord de ce lac d’eau douce et l’avaient trouvé transformé en urne de larmes amères.
Référence à Narcisse dans L'alchimiste de Paulo Coelho
« Pourquoi pleures-tu ? Demandèrent les Oréades.
Je pleure pour narcisse, répondit le lac.
Voilà qui ne nous étonne guère, dirent-elles alors. Nous avions beau être toutes constamment à sa poursuite dans les bois, tu étais le seul a pouvoir contempler de près sa beauté.
Narcisse était donc beau ? Demanda le lac.
Qui, mieux que toi, pouvait le savoir ? Répliquèrent les Oréades, surprises. C’était bien sur tes rives, tout de même, qu’il se penchait toujours ! Le lac resta un moment sans rien dire.
Puis :
Je pleure pour Narcisse, mais je ne m’étais jamais aperçu que Narcisse était beau. Je pleure pour Narcisse parce que, chaque fois qu’il se penchait sur mes rives, je pouvais voir, au fond de ses yeux, le reflet de ma propre beauté. Voilà une bien belle histoire, dit l’Alchimiste ».
Notes : Les études psychologiques contemporaines, qui se sont penchées sur l’histoire de Narcisse, indiquent que le mère de Narcisse se nommait Liriopé et qu’elle fut violée par Céphise. La source devant laquelle s’arrête Narcisse s’appelle aussi Liriopé, ce qui, selon les spécialistes, éclaire sur la confusion entre la fontaine, la pureté de l’eau et la virginité perdue de sa mère. D’autres éléments relient d’ailleurs les images lacustres, les eaux calmes, aux rêveries de retour à la vie embryonnaire et à cette fusion excessive dans le sein maternel.
Le narcissisme par sigmund Freud
En 1910, Sigmund Freud, père de la psychanalyse, prononce pour la première fois le mot « Narcissisme » dans le cadre de ses théories sur l’homosexualité en tant que pulsion sexuelle concentrée sur le « moi » du sujet. Sigmund Freud dissociait deux formes de narcissisme : d’une part le narcissisme primaire de l’enfant (la découverte de sa propre anatomie ou d’une physionomie semblable à la sienne), le psychanalyste Lacan parle d’ailleurs du « stade du miroir », et d’autre part le narcissisme secondaire, en tant que trouble observé chez l’adulte. La figure mythologique de Narcisse se situe entre ces deux formes de narcissisme.