Louis Chedid

Volontairement concis, résolument taillé au cordeau grâce au choix a minima d’instruments, ce disque représente probablement la quintessence de l’artisanat « chedidien ». La plume n’évolue pas nécessairement en territoire inconnu : l’homme, on le sait abhorre le cynisme de l’époque (« Chat noir », « Crock mort »), s’abandonne doucement à une mélancolie vibrante (« Le blues du dimanche soir » qui s’inscrit comme la face cachée de « Bouc-Bel-Air », la chanson). Pourtant, la gravité apparaît ici. Nappée finement de la sérénité orientale reçue en héritage. « Sans nous », « Quelle belle histoire », « On ne dit jamais assez » ont des airs de classiques… Tout comme l’imparable « Tu peux compter sur moi » ou le ponctuant « Voilà pourquoi » et l’inattendue arrivée des cordes majestueuses de David Whitaker qui en profitent pour faire leur unique apparition. Ces titres sont du même acabit que les « For no one », « You’ve got a friend » ou de ce côté-ci de l’Atlantique « Foule sentimentale » : ils ont tout d’une profession de foi. Au passage, les déchirures intimes (« Au secours », « A force ») ou personnelles (« Maman, Maman ») trouvent une place rarement investie par ses pairs tant le terrain pourrait être glissant.

Ici seule s’impose l’élégance des sentiments… Et elle emporte tout dans une émotion retenue.

Que ce 16ème album studio ait été enregistré en un éclair (dix jours essentiellement) avec la complicité quasi « fraternelle » de Matthieu dont Louis dit qu’il est son alter-ego : « un des meilleurs musiciens avec qui j’ai travaillé », que l’osmose soit totale entre le père et son multi-instrumentiste de fils qui pudiquement ne fera qu’effleurer « Chat noir » d’une efficace partie de basse ou à l’inverse transfigurera avec autant d’à propos l’arrangement initial de « Sans nous », que cette collaboration tant espérée arrive seulement aujourd’hui… Tout cela n’est finalement que le signe d’une grande sagesse et d’une puissante sérénité.

On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime est plus qu’un disque… C’est une œuvre importante. Même si ce compliment heurtera sans doute l’humilité naturelle de ce grand Monsieur. (Marc Thonon – Août 2010).

Le 23 octobre 2015, l’album familial « Louis, Matthieu, Joseph & Anna Chedid » sort.

« L’union fait la force » clame la famille Chedid dans le titre « F.O.R.T. » où surnagent la voix angélique d’Anna et la guitare furieuse de Matthieu. Jubilatoire, l’échange entre le père et le fils (Louis et Matthieu) qui ouvre « Egomane » résume parfaitement la recette de cet album homonyme présidé par l’amour, l’humour et l’auto-dérision. Dans cette aventure familiale inédite dans la chanson française, qui fait suite à une tournée triomphale en 2015, aucun leader ne se dégage réellement et la personnalité aujourd’hui plus médiatique de Matthieu Chedid n’écrase jamais un projet musical rafraîchissant où la voix de chacun est toujours entendue.

Infatigables, les quatre membres du clan n’ont pas souhaité attendre que le fer refroidisse avant de le battre. Sans doute eut-il été plus difficile d’enregistrer ces morceaux une fois la légèreté et la tension de la tournée retombées. Voilà pourquoi tout fut mis en boîte l’été même, en quelques jours de « repos » octroyés entre deux concerts. Le résultat retranscrit indéniablement cette urgence, cette spontanéité, et ce sont bien les mélodies et leur évidence qui prennent le pas sur des arrangements qu’ils n’ont pas voulu ronflants mais immédiats, organiques.

On retrouve évidemment de nombreux tubes de Louis et Matthieu Chedid, dont les célèbres « Anne, ma sœur Anne » et « T’as beau pas être beau », un étonnant et réjouissant « Machistador » interprété par Louis Chedid, mais aussi « Le Baptême », « Qui de nous deux » et évidemment l’émouvant « On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime qu’on les aime », sonnant à la fois comme le point de départ et d’arrivée de ce chapitre musical à l’esprit aussi juvénile que gentiment nostalgique. Pour ne rien gâcher, outre la version digitale et l’édition CD simple, les séries limitées ont été mises à l’honneur avec une parution en triple disque vinyle ainsi qu’une édition 2 CD + DVD comprenant un making of signé…Émilie Chedid.